Le tumulte enflait rapidement, entre hurlements et sanglots hystériques, cris non moins hystériques d'élèves affolés et bien intentionnés, tentatives de professeurs désemparés. Savva tremblait légèrement en circulant dans la salle, mais se rassurait peu à peu en constatant que nul ne semblait gravement blessé.
Oh, on dénombrait quelques bosses et des nez saignaient, mais le choc n'avait finalement fait que jeter à terre et sonner l'assemblée d'adolescents. Plus dangereuse était la bousculade qui menaçait, seconde après seconde, de s'emparer de la foule affolée et aveuglée. L'angoisse répondait à l'angoisse et la panique grondait en arrière-plan, encore sourde mais de plus en plus tangible malgré les exhortations au calme des plus âgés ou des plus posés des élèves.

A l'instar de l'aiglon, la plupart des jeunes sorciers avait eu pour première réaction de constater leur intégrité physique et pour seconde de s'inquiéter de celle de leurs amis. Chacun allait désormais son chemin en hélant ou bêlant au hasard, qui un prénom et qui un autre, fendant le flot des étudiants trop inquiets qui cherchaient à fuir la salle. Comme pour ajouter à la cohue, une partie de la Grande Salle commença à leur tomber sur la tête sous la forme de plâtre et de bois. Ce n'étaient encore que des esquilles, pas de quoi causer un traumatisme crânien à autre chose qu'un elfe de maison – et encore, les elfes sont résistants non ? - mais il y eut quelques entailles, éraflures et glapissements. Savva se força à ne pas songer à l'immense structure du château, les tours et les salles qui pesaient au-dessus de leurs têtes. Si l'architecture magique de Poudlard était par trop abîmée, si même la Grande Salle seule leur tombait réellement dessus, même les longues tables de bois épais ne les sauveraient pas tous.
Il balaya ces pensées. Refoula l'angoisse qui lui nouait la gorge et cria :

«Mika !»

Bordel, où étaient les Romanov ?
Savva, sans pitié, balança un coup de coude à deux adolescentes qui se raccrochaient l'une à l'autre en criant à qui mieux mieux, tentant de fermer ses oreilles aux glapissements et son esprit à la terreur ambiante. Comme une énorme vague noire, il la voyait approcher au loin et elle menaçait de le submerger. Son souffle était chaque seconde plus court, la sueur ruisselait sur son front, ses yeux allaient et venaient de plus en plus vite tandis qu'il cherchait son frère et sa soeur en vain. Mika ! Malva !
Crier leurs noms ne servirait à rien dans cette foule affolée. Il devait les trouver. Il fallait les voir dans la poussière, les corps en mouvement et les dizaines de visages qui défilaient devant lui tandis qu'il repoussait les élèves sous le choc et immobiles ou les fuyards.

Enfin, il déboucha de la muraille d'élèves. Il, c'était Mika, son grand frère qui enjamba une table pour le rejoindre et s'adressa à lui en russe tout en l'entraînant du côté des Serpentards.
Le suivant; Savva revint lui aussi par instinct à leur langue maternelle, forçant la voix pour se faire entendre dans le vacarme :

«Ca va, j'ai rien. Et toi ? Et Malva ?»

Il l'aperçut à cet instant, en chef de troupe, faisant grand usage de sa voix – où avait-elle pêché un tel timbre ? Et comme d'habitude, presque oublieux de l'effroi et de l'incertitude, des mille questions qui commençaient à tourner dans sa tête, Savva regarda sa soeur avec un soulagement indescriptible.